*Troisième texte de Nicolas Bertrand-Verge, concepteur de jeu. Nicolas est tombé en amour avec le jeu vidéo dans ses jeunes années alors qu'il apprenait à conduire des avions dans Flight Simulator sur les genoux de son père. Depuis, il est bachelier en Communication politique et finissant en Design de jeu. Il s'intéresse beaucoup à la scène montréalaise et au jeu indépendant.
Un Game Jam: De kossé?
Si vous suivez un tant soit peu l’industrie du jeu vidéo et d’autant plus ce qui provient des studios indépendants, vous avez surement déjà entendu parlé des “game jams”. On s’inspire donc du “jam” musical basé sur l’improvisation afin de stimuler la créativité. Les game jams sont plutôt difficiles à suivre parce que contrairement à son penchant musical, c’est une activité que l’on pratique pendant des heures, parfois des jours, sans arrêt et on le fait souvent en communauté, non pas en privé chez soi ou dans un studio. Ils sont aussi très variés, chacun ayant leurs particularités. Habituellement, la base est de rassembler plusieurs développeurs de jeux de différentes branches du métier pendant un court laps de temps afin de créer des jeux autour d’un thème commun.
Pourquoi on game jam?
Les game jams sont donc une manière pour beaucoup de professionnels, des plus petits aux plus gros studios, de prendre une pause du travail quotidien. C’est une manière pour plusieurs d’exprimer leur créativité quand le travail sur leur projet actuel a finalement perdu un peu du charme de ses débuts. C’est aussi une façon de tisser des liens dans une communauté de développeurs, de s’échanger des trucs et simplement d’en apprendre plus sur les différentes facettes du développement de jeu.
L’occasion est donc parfaite d’essayer des idées de jeu qu’on ne peut pas prototyper dans le cadre du travail de tous les jours. Pour certaines compagnies, c’est même le moyen de prototyper des idées de jeux. Alors que certaines compagnies ont des équipes dédiées à la recherche et développement de nouvelles mécaniques de jeux, d’autres ressentent que ces idées doivent provenir de l’équipe au complet. Parce que oui, certains studios indépendants ont décidé de reprendre l’idée du game jam pour en faire partie de leur entreprise.
La force de l’Amnesia Fortnight
La plus connue et celle qui en fait souvent l’évangélisation est Double Fine. Depuis le lancement de Brütal Legend en 2009 et ses ventes décevantes, la compagnie a décidé de viser plus petit que des jeux triple A. Ils organisent alors le Amnesia Fortnight, un game jam interne dans lequel on oublie tout pendant deux semaines, on recompose tout le studio en différentes équipes, mettant tout le monde à la tâche. De ces game jam est sorti les prototypes des jeux Costume Quest, Stacking, Iron Brigade et Once Upon a Monster.
L’édition 2012 a été largement documentée grâce à une collaboration avec l’équipe derrière les Humble Bundle. Produit à ce moment, Spacebase DF-9 deviendra lui aussi un jeu complet. Tim Schafer, le fondateur de Double Fine ne cache pas non plus que les aventures de l’Amnesia Fortnight lui permet de trouver et de former de nouveaux leaders pour sa compagnie, une ressource indispensable, mais évidemment difficile à quantifier. On a pu voir des gens comme Brad Muir, Lee Petty et JP LeBreton sortir du lot et apporter de nouvelles idées au monde du jeu vidéo.
Difficile parfois de justifier la valeur de ce genre d’événements à des gestionnaires, mais plusieurs ressentent réellement les effets. Le concept est devenu tellement populaire qu’une multinationale comme Ubisoft prend des notes. On a donc organisé en avril dernier un premier game jam à l’interne. Le but est beaucoup plus d’encourager l’entraide et le développement de relations entre les employés que de prototyper des jeux, mais l’idée est là. Avec la formation chez Ubisoft Montréal de projets plus limités dans leurs ambitions comme avec le projet Child of Light, il est intéressant de voir ce qu’ils tireront des enseignements de compagnies plus indépendantes.
Pourquoi s’y intéresser?
Les raisons sont nombreuses, mais j’adore personnellement voir des jeux dans leurs phases très peu avancées. Plusieurs des jeux indépendants qui sont produits de nos jours viennent de game jam. Je pense entre autres à Super Time Force de chez Capy games, Nuclear Throne de Vlambeer, Don’t Starve de Klei Entertainement, The Binding of Isaac, TowerFall , les jeux Receiver et Super Hot. On ne compte plus les exemples des jeux qui ont débutés comme des projets de game jam.
Quelques grosses organisations se démarquent déjà pour leurs game jam annuels. Par exemple, le Ludum Dare, le Global Game Jam, le Indie Speed Run, le 7DFPS ou d’autres versions plus régionales comme le TOJam de Toronto et le Montréal Game Jam. Chacun a ses thèmes propres, ses limites de temps et certaines offrent même des bourses ou sont organisés comme des concours. La transparence et l’ouverture sont souvent mots d’ordre pour ce genre d’événements, c’est pourquoi ce sont souvent de bons moyens de trouver des jeux ausants, mais surtout gratuits à essayer!