*Premier texte de notre collaborateur Sylvain A. Trottier, animateur de jeux à La Récréation.
Bienvenue, chers amis-lecteurs, dans cette deuxième chronique Culture Jeux, là où culture et jeux se rencontrent. Il y a environ 3 mois, je vous proposais une première chronique afin de justifier le jeu de société comme un produit culturel. Sur le site de L'Arène, mais aussi dans les réseaux sociaux, j'ai constaté que le sujet avait suscité quelques échanges de points de vue intéressants sur la question et j'en suis fort aise. Ne vous gênez donc pas pour commenter et intervenir; j'aime vous lire. :)
Bref, entrons maintenant dans notre sujet du jour : de kossé c'est un jds?* Là, tout de suite, je vous entends me dire : ben, on sait ce que c'est, on en fait assez souvent! Oui, certes certes! Mais quand vous jouez à un jeu, ne vous êtes-vous pas posé cette question? (moment de solitude) En tout cas, moi oui et voici ce que ça donne.
Prenons n'importe quel jeu de société et décortiquons-le ensemble. Qu'est-ce qu'on trouve à l'intérieur de la boîte? Des pions, des cartes, un plateau de jeu, etc. Prenons un autre jeu; on y retrouve encore du matériel, parfois plus classique (des dés, par exemple), d'autres fois plus surprenant (une tour en carton à assembler). Mais dans tous les jeux, il y a un élément qui revient toujours : la règle de jeu.
On pourrait donc dire qu'un jeu n'existe pas sans règles. En effet, si l'on essaie de jouer à un jeu en ayant le matériel et pas de règle : qu'allons-nous faire? Tenter de déduire les règles (probablement avec peu de succès, il faut le dire) ou construire les nôtres. Nous pouvons donc qu'en conclure qu'un jeu serait, en son cœur, un ensemble de règles auxquelles se soumettent les participants. Et là, évidemment, on pense tout de suite : n'est-ce pas ce qui nous permet de vivre en société? Les lois sont en quelque sorte les balises qui régissent notre fonctionnement en société, donc un jeu, par son cœur même serait une tentative de copie. À ce sujet, je lisais quelque part (je n'ai plus la source, désolé!) que le mot « société » dans jeu de société serait issu des jeux qui cherchaient à éduquer les jeunes à une bonne conduite en société.
Le jeu Nomad de Peter Suber |
Suivant ce même flot de pensées, un certain Peter Suber, philosophe américain, principalement connu comme étant « l'inventeur de l'open source », en est venu à développer un jeu, intitulé Nomic où l'on ne fait pas que jouer selon certaines règles, mais en modifiant les règles. C'est un jeu où chacun peut proposer d'ajouter ou de retirer des règles, ou même amener des amendements (oui, ce jeu peut ressembler à une assemblée étudiante!). Partant de là, tout devient possible : ne donner le droit de vote qu'à ceux qui ont des sous-vêtements noirs, attribuer des points à chaque joueur qui voit sa règle refusée par un seul vote ou même obliger les joueurs à voter au pied levé. En fait, certains joueurs du Nomic vont même tenter de briser le jeu en faisant adopter une loi qui va créer un paradoxe dans les règles, rendant la partie impossible à continuer. Il existe même des méta-Nomic rassemblant des joueurs de différentes parties de Nomic représentant leur propre partie; un peu comme une délégation (ne trouvez-vous pas que cela a des petits airs d'ONU?). Bref, un jeu aux airs politiques.** Voici quelques jeux, que je vous invite à tester qui reprennent cette idée de liberté sur les règles tout en restant plus accessibles : Mao, Fluxx, We didn't playtest this at all et Democrazy. Mais si, un jour, vous souhaitez tenter l'expérience Nomic, faites-moi signe, j'aimerais bien essayer.
Pour finir, une petite pensée de Vaclav Havel : aucun jeu ne peut se jouer sans règles.
*Traduction pour les non québécois : qu'est-ce qu'un jeu de société?
**Nous ne nous étirerons pas sur le sujet, mais politique et jeu ont beaucoup de liens intéressants à souligner (sûrement pour une prochaine chronique).
Commentaires des usagers
Salut Sylvain,
C'est amusant que ta réflexion se soit porté sur le contenu d'une boite de jeu pour définir ce dont il s'agit, je n'y avais jamais songé ! Mais ta conclusion me convient : un jeu, c'est une règle, tu as raison.
De mon côté je m'étais entre autre penché sur la question quant au nombre de joueur qui y jouent d'une part ; et à ce que les gens appellent, communément un jeu de société d'autre part.
Dans le premier temps, je me demandais avant tout si un jeu qui se jouait seul était un jeu de société. Tu décortiques le mot "société", et m'apprend son origine par le même coup, puisque j'avais toujours cru qu'il faisait référence aux jeux "en groupe". En prenant cette définition en laquelle je croyais, des jeux comme le "solitaire", ou encore un "rubiks'kub", ou même encore un "Ghost Stories" qu'on jouerait seul, n'étaient pas des jeux de société ; alors qu'avec ta définition, aucun problème !
D'autre part, je m'étais interrogé sur ce que le grand public appelait un "jeu de société". Typiquement, pour reprendre l'exemple du "Rubik's kub", la plupart des gens ne le qualifieraient pas ainsi. De même pour un "Mölkky", ou encore une "Murder Party" (ou "Soirée enquête"), alors que, que ce soit avec ta définition, où celle que j'avais initialement, ces deux derniers sont bel et bien des jeux de société.
Que faut-il conclure de tout ça ?
Sans doute que nous aimons bien nous décortiquer la cervelle pour définir les choses. Personnellement, j'adore ça :) Et pour finir sur une citation moi aussi : toutes les définitions sont relatives.
Vous tirant mon chapeau,
Pierrot
Bonjour Pierrot,
Merci pour les bons commentaires. :)
Content de savoir que ma petite chronique a suscité des réflexions.
Pour répondre à ton questionnement sur le Mölkky ou les Murder Party : En effet, tel qu'énoncé dans ma chronique, un jeu de société est, par essence, composé de règles mais je dirais que ce n'est pas parce qu'on a des règles qu'on a un jeu. La vie en société est cadrée par des règles, mais je ne crois qu'on puisse la considérer comme un jeu... Quoique... ;)
Bref, je suis bien d'accord que les définitions sont toutes relatives... Disons que je souhaite plutôt proposer des pistes de réflexions en essayant de voir un aspect inusité du jeu de société.
Au plaisir,
-Sylvain